Vérités, demi-vérités, mensonges

Mons. Héctor AGUER par Mgr HÉCTOR AGUER Archevêque de La Plata, 14/02/2006

Au mois de décembre dernier [2005], le ministre de la Santé du pays [l’Argentine] a assuré que l’on pratiquait en Argentine 800 000 avortements par an. Avec cette déclaration il corrigeait du même coup son dernier chiffre d’un demi million. Pour donner crédit à de telles assertions, l’opinion publique aurait pu demander comment ces chiffres avaient été obtenus. Comment fait-on pour comptabiliser plus de deux mille opérations clandestines par jour ? S’il s’agit d’un calcul approximatif, il serait bon de savoir quels sont ses fondements. Peut-être les dénonciations de ces actions illégales ?  

Le ministre a formulé ces déclarations pour répondre à l’accusation qui lui avait été faite de diffuser des chiffres erronés.

On peut en effet penser sans être suspicieux à l’excès que ses chiffres sont faux. Souvenons-nous à ce propos du cas du docteur  Bernard Nathanson, qui fut le directeur de la clinique de santé sexuelle la plus grande du monde, où il a pratiqué personnellement environ 5 000 avortements. En travaillant ensuite sur l’étude scientifique du foetus à l’intérieur du sein maternel, il a reconnu que le fruit de la conception était dès le premier instant un être humain et il s’est converti en témoin qualifié contre le mouvement pro-avortement. Eh bien, Nathanson a osé admettre : «J'ai été un des fondateurs de l'organisation qui a vendu l'avortement au peuple américain». Plus encore, il s’est ouvert sans tabou sur la tactique employée : «Deux grands mensonges nous ont servi de base : la falsification des statistiques et des enquêtes que nous disions avoir faites et le choix d'une victime pour lui imputer la "faute" que représentait la désapprobation de l’avortement en Amérique du Nord ; cette victime a été l'Église Catholique, et plus précisément sa hiérarchie d'évêques et de cardinaux... Nous disions en 1968 qu'aux États-Unis on pratiquait un million d'avortements clandestins, quand nous savions que ceux-ci ne dépassaient pas dix mille ; mais ce chiffre ne nous servait pas et c'est pourquoi nous le multipliions pour attirer l'attention. Nous répétions aussi constamment que les décès par avortements clandestins s'approchaient de dix mille, quand nous savions qu'ils étaient dans les deux cents, pas un de plus, mais ce chiffre s'avérait trop petit pour la propagande. Cette tactique de la tromperie et  de mensonge à grande échelle, finit par les faire accepter comme des vérités, à force de répétition.»

En présentant ce précédent je ne prétends pas juger des intentions, mais bien rappeler qu'il y a bien une campagne internationale menée par de nombreuses organisations, de nombreux politiciens de tous niveaux et des médias efficaces dans la communication ; ils constituent un réseau doté de ressources abondantes pour retourner l'opinion mondiale. La dénonciation effectuée par Nathanson montre que la vérité leur importe peu, que ce soit sur la question de l'avortement ou sur ce qui concerne le SIDA, les questions démographiques ou les politiques de population.

Le ministre de la Santé, qui se montrait consterné en exhibant ces chiffres astronomiques, considère que le remède se trouve dans le programme officiel de santé reproductive et soutient qu’«être contre ce programme est en réalité une position pro-avortement.» Cette manoeuvre argumentaire est subtile ; elle paraît acérée, mais il lui manque la vérité. En effet, le programme qui, sous l'euphémisme d'«éducation sexuelle», touche les adolescents et les jeunes avec une information volontairement partiale et distribue des contraceptifs et des préservatifs, diffuse un double mensonge. Premier mensonge : on n'informe pas sur le caractère potentiellement anti-nidatoire, c'est-à-dire abortif, des contraceptifs hormonaux (la drogue levonorgestrel et autres similaires) et du stérilet (dispositif intra-utérin). L’objectif d'empêcher la conception est renforcé par la possibilité d'éviter que l'être humain déjà conçu trouve dans l'endomètre maternel le nid dont il a besoin pour commencer son développement.

Le deuxième mensonge est implicite : on distribue allègrement des préservatifs et on fait la promotion de son usage, pour essayer d'inculquer la pratique du "sexe sûr". Il faudrait au moins signaler que la "sécurité" n’est pas vraiment au rendez-vous. Des sources insoupçonnables affirment que le préservatif n'accorde pas une protection absolue contre une grossesse non souhaitée ni contre la transmission du virus du SIDA, du HPV (virus papilloma humain) et d'autres maladies qui se transmettent par une activité sexuelle désordonnée. L'Organisation Mondiale de la Santé a informé que le taux annuel de grossesses avec utilisation parfaite du préservatif (c'est-à-dire en l'utilisant correctement et lors de chacun des rapports sexuels) est de 3 %, et qu'il s'élève à 10-14 % quand l'utilisation est inconsistante ou incorrecte. En ce qui concerne le virus du SIDA on admet que le risque varie entre 10 et  30 % ; ce risque fait dire au  Dr Helen Singer-Kaplan, de l'Université de Cornell qu’«avoir confiance dans les préservatifs c’est jouer avec la mort». En Ouganda, où le SIDA avançait de manière incontrôlable avec les plans de distribution massive de préservatifs, on a réussit à mieux contrôler par rapport à d'autres pays l'extension de l'épidémie grâce à un programme de promotion de la chasteté : abstinence sexuelle avant le mariage et ensuite fidélité conjugale.

En revanche, la campagne financée par le Ministère de la Santé de la nation [argentine] semble avoir pour objectif un sentiment de sécurité fictif qui ne favorise pas une conduite sexuelle authentiquement responsable. Ainsi on éduque mal les enfants et les adolescents, avec des conséquences qui sont faciles à prévoir. Notre peuple, et spécialement les jeunes et la foule des pauvres, a droit à toute la vérité.

n